Archives : 10 livres pour 2021
Ce début d’année rime toujours pour bon nombre d‘entre nous avec couvre-feu, confinement, bars-restaurants et lieux culturels fermés et donc davantage de temps passé à la maison. Alors quoi de mieux qu’un bon bouquin pour s’évader et oublier l’actualité morose ne serait-ce que quelques heures… L’occasion parfaite de replonger dans sa bibliothèque. Des livres achetés qui s’accumulent, ceux dont on n’a lu qu’un seul chapitre, ceux trop longs qu’on arrête au beau milieu happés par une nouveauté, on en a tous. Il est grand temps de s’y atteler. Retour donc, sur dix anciens compagnons de route, de quoi peut-être vous inspirer.
1. Cent ans de solitude, Gabriel García Márquez.
À Macondo, petit village isolé d'Amérique du Sud, l'illustre famille Buendia est condamnée à cent ans de solitude par la prophétie du gitan Melquiades… Dans un tourbillon de révolutions, de guerres civiles, de fléaux et de destructions, elle vit une épopée mythique, à la saveur inoubliable, qui traverse les trois âges de la vie : naissance, vie et décadence…
Histoire à la fois minutieuse et délirante d'une dynastie : la fondation, par l'ancêtre, d'un village sud-américain isolé du reste du monde ; les grandes heures marquées par la magie et l'alchimie ; la décadence ; le déluge et la mort des animaux. Cent Ans de solitude est ce théâtre géant où les mythes engendrent les hommes qui à leur tour engendrent les mythes, comme chez Homère, Cervantes ou Rabelais. Ce roman époustouflant compte parmi les chefs-d'œuvre de la littérature mondiale du XXe siècle.
Gabriel García Márquez est né en 1928 à Aracataca, village de Colombie, le Macondo, dont parle une grande partie de son œuvre. Formé au journalisme, qu’il a toujours exercé avec passion, il a bâti une œuvre romanesque qui a fait de la Colombie un mythe littéraire universel. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1982.
2. Sourires de loup, Zadie Smith.
«Un matin de bonne heure, tard dans le siècle, à Cricklewood Broadway. À six heures et vingt-sept minutes, en ce 1er janvier 1975, Alfred Archibald Jones, tout de velours côtelé vêtu, était assis dans un break Cavalier Musketeer rempli de vapeurs d'essence, le visage sur le volant, à espérer que la sentence divine ne serait pas trop sévère. Prostré, les mâchoires relâchées, les bras en croix comme quelque ange déchu, le poing refermé d'un côté (gauche) sur ses médailles militaires, de l'autre (droit) sur son certificat de mariage, pour la bonne raison qu'il avait décidé d'emporter ses erreurs avec lui. [...] Il avait joué à pile ou face et s'était tenu sans défaillir au verdict du hasard. Il s'agissait là d'un suicide mûrement réfléchi. Mieux, d'une résolution de nouvel an.»
Maniant le loufoque, la satire et l'humour avec un art consommé, Zadie Smith produit ici un premier roman détonant, qui frappe par son ambition et son extraordinaire énergie.
3. Chroniques. Volume 1, Bob Dylan.
« Je ne cherchais pas l'amour, je ne cherchais pas l'argent. La conscience aiguisée, j'étais déterminé, irréaliste et visionnaire par-dessus le marché. Je ne connaissais pas âme qui vive dans cette mégapole noire et gelée, mais ça allait changer — et vite. »
Bob Dylan replonge avec délices dans le Village de 1961, quand, jeune homme introverti, il découvrait Manhattan. Pour le chanteur folk débutant né dans le Midwest, New York est la ville de tous les possibles, de toutes les passions : nuits blanches enfumées, découvertes littéraires, amours fugaces, amitiés indestructibles. Les souvenirs de l'enfance reviennent ici comme autant d'illuminations, composant l'histoire d'un musicien de génie qui aspirait à la gloire mais ne la supportait pas.
Le premier volume d'une autobiographie en roue libre qui devrait comporter trois volets.
4. Jours barbares, William Finnegan.
Le surf ressemble à un sport, un passe-temps. Pour ses initiés, c'est bien plus que cela : une addiction merveilleuse, une initiation exigeante, un art de vivre.
Élevé entre la Californie et Hawaï, William Finnegan a commencé le surf enfant. Après l'université, il a traqué les vagues aux quatre coins du monde, errant des îles Fidji à l'Indonésie, des plages bondées de Los Angeles aux déserts australiens, des townships de Johannesburg aux falaises de l'île de Madère.
D'un gamin aventureux, passionné de littérature, il devint écrivain et reporter de guerre pour le New Yorker. Il a acquis ses galons de journaliste lors de la guerre civile au Soudan, en Afrique du Sud pendant l'Apartheid, dans les Balkans ou à Mogadiscio. Ses reportages sur les théâtres d'opérations sont le fruit de longues immersions et de patientes observations, où, comme il aime à le résumer : "Je fouine, je parle aux gens, j'attends."
À travers ses mémoires, il dépeint une vie à contre-courant, à la recherche d'une autre voie, au-delà des canons de la réussite, de l'argent et du carriérisme ; et avec une infinie pudeur se dessine le portrait d'un homme qui aura trouvé dans son rapport à l'océan une échappatoire au monde et une source constante d'émerveillement. Un livre rare dont on ne ressort pas tout à fait indemne, entre Hell's Angels de Hunter S. Thompson et Into The Wild de Jon Krakauer.
Jours Barbares a été distingué du prestigieux prix Pulitzer en 2016.
5. Vers l’Ouest avec la nuit, Beryl Markham.
« Avez-vous lu Vers l'Ouest avec la nuit ?... C'est un sacré bon livre. » Ce commentaire d'Hemingway dans sa correspondance permit dans les années quatre-vingt de redécouvrir Beryl Markham, pionnière de l'aviation dont la vie a été extrêmement aventureuse. Elle passa son enfance au Kenya et fut la première femme en Afrique à obtenir une licence d'entraîneur de chevaux de course. Elle découvrit l'aviation à l'âge de trente ans et effectua pendant plusieurs années des vols entre le Kenya, le Soudan et la Rhodésie, transportant des passagers, du courrier, des médicaments et ravitaillant les safaris. En 1936, elle fut la première à traverser l'Atlantique Nord, seule à bord de son mono-moteur. Elle décolla d'Abingdon en Angleterre et atterrit vingt et une heures et vingt-cinq minutes plus tard sur le continent américain où elle reçut un accueil triomphal. Vers l'Ouest avec la nuit est le vibrant témoignage d'une femme éprise de liberté, d'une « voyageuse insatiable », comme Beryl se qualifiait elle-même.
6. Libres comme l’air, Bernadette McDonald.
En pleine guerre froide, d'intrépides alpinistes polonais échappent au joug soviétique en partant à la conquête des plus hautes montagnes du monde. Dans les années 1970 et 1980, aux heures les plus sombres du communisme, la Pologne a vu éclore une génération d'alpinistes exceptionnels. Sans espoir d'un avenir décent et assoiffés de liberté, ces grimpeurs téméraires ont réussi, à force d'obstination et d'ingéniosité, à parcourir le monde à la recherche des ascensions les plus extrêmes.
Mais c'est surtout en Asie et en Himalaya qu'ils marquèrent l'histoire de l'alpinisme en réalisant des exploits auparavant inimaginables. Des villes grises de la Pologne communiste aux cimes étincelantes de l'Himalaya, voici l'histoire magnifique et dramatique de ces hommes partis en quête de leur liberté dans les plus hautes altitudes.
7. La fin est mon commencement, Tiziano Terzani.
« Et si nous nous retrouvions, toi et moi, tous les jours pendant une heure ? Tu me poserais les questions que tu as toujours voulu me poser, et moi je te répondrais, à bride abattue, tout ce qui me tient à cœur, depuis l'histoire de ma famille jusqu'à celle du grand voyage de la vie. Un dialogue entre un père et son fils, si différents et si proches, un livre-testament que tu devras ensuite mettre en forme. Ne tarde pas, parce que je ne pense pas qu'il me reste beaucoup de temps... »
Tiziano Terzani est une légende du grand reportage. Correspondant en Asie du Spiegel et du Corriere della Sera, vivant avec la population, dédaignant souvent l'avion pour le train ou le camion de fortune, il a été témoin de la chute de Saïgon, du génocide khmer et de la Chine maoïste. Marqué par l'Inde et sa spiritualité, il s'est détaché de son métier durant les années 1990, pour se retirer dans une cabane et méditer sur la vie. Sentant la mort venir, ce père singulier a appelé son fils à ses côtés pour lui transmettre l'essentiel. Ce livre de dialogues complices entraîne le lecteur dans le tourbillon d'une vie hors du commun. Il aborde légèrement des questions graves, voyage allègrement dans notre Histoire récente, s'envole, rit, émeut. Il donne envie de s'inventer une vie hors des sentiers battus.
8. Et devant moi, le monde. Joyce Maynard.
En 1972, le New York Times Magazine publie l’article d’une jeune étudiante de Yale, Joyce Maynard, à peine âgée de dix-huit ans. Elle y parle de sa génération et y décrit surtout ce que c’est que de grandir dans l’Amérique des années 60. Succès. La jeune femme est alors repérée par J.D. Salinger, de trente-cinq ans son aîné. Séduite par l’auteur énigmatique de L’Attrape-cœur, elle s’enferme avec lui dans une relation aussi brève que destructrice. Vingt-cinq ans après, celle qui à son tour est devenue écrivain tente d’exorciser son histoire.
9. Outremonde, Don DeLillo.
De la chronique des vies ordinaires prises dans l'étau de la guerre froide à la grande - et petite - histoire de la bombe atomique, du légendaire match de baseball disputé à New York en 1951 à l'épilogue crépusculaire en Asie centrale, Outremonde couvre le dernier demi-siècle de l'histoire américaine.
Dans un foisonnement d'intrigues, certaines des figures qui ont marqué cette période, J. Edgar Hoover, Frank Sinatra, entre autres, croisent et recroisent les personnages de la fiction. Leurs voix, mêlées, construisent une polyphonie que DeLillo dirige et organise jusque dans ses plus subtiles modulations.
Cette œuvre monumentale en huit parties, dissèque les terribles peurs et les émotions du peuple américain, de l'après-guerre au troisième millénaire. Elle met en scène l'autre côté, obscur et souterrain, de l'humanité contemporaine.
10. Cours de littérature anglaise, Jorge Luis Borges.
« Je crois que la formule « lecture obligatoire » est un contresens ; la lecture ne doit pas être obligatoire. Parle-t-on de plaisir obligatoire ? À quoi bon ? Le plaisir n'est pas une obligation, c'est une quête. Bonheur obligatoire ! Le bonheur aussi est une quête. J'ai été professeur de littérature anglaise pendant vingt ans à la faculté de philosophie et de lettres de l'université de Buenos Aires. J'ai toujours donné ce conseil à mes étudiants : si un livre vous ennuie, abandonnez-le ; ne lisez pas un livre parce qu'il est fameux, ou moderne, ou ancien. Si un livre vous semble ennuyeux, laissez-le ; même si ce livre est le Paradis perdu - qui pour moi n'est pas ennuyeux - ou Don Quichotte - qui pour moi ne l'est pas davantage. Mais si un livre vous ennuie, ne le lisez pas ; c'est qu'il n'a pas été écrit pour vous. La lecture doit être une des formes du bonheur : voilà pourquoi je conseillerais aux possibles lecteurs de mon testament - que je n'ai d'ailleurs pas l'intention de rédiger - de lire beaucoup, de ne pas se laisser effrayer par la réputation des auteurs, de rechercher un bonheur personnel, un plaisir personnel. Il n'y a pas d'autre façon de lire. »
L'écrivain argentin Jorge Luis Borges (1899-1986) a été professeur de littérature anglaise et nord-américaine à l'université de Buenos Aires. Ce volume publie l'intégralité de ses cours de 1966. Prenez place, la classe est ouverte.